Climat en Arctique du Paléocène à l’Eocène supérieur (58-40 Ma) d’après les pollens du site IODP 302 (ACEX)
Abstract
Les forages IODP 302, réalisés au centre de l’Océan Arctique près de la ride de
Lomonosov, bénéficient d’un cadre bio-chrono-stratigraphique de la fin du Paléocène à
l’Eocène moyen- supérieur (Backman et al., 2006). Malgré la multiplicité des analyses
(sédimentologie, géochimie, micropaléontologie) menées sur ces archives
sédimentaires, une seule étude concerne le pollen, concentrée sur la base du forage
M0004 (PETM – ETM2) et proposant des valeurs paléoclimatiques biaisées par la
faiblesse des identifications botaniques des grains de pollen (Willard et al., 2019).
Dans notre étude soutenue financièrement par IODP-France, nous avons analysé le
contenu pollinique des forages M0004 et M0002. L’abondance des pollens, leur
excellent état de préservation ainsi que la diversité végétale élevée (plus de 100 taxons
identifiés) témoignent du voisinage très proche de terres émergées de la marge
sibérienne. L’identification botanique rigoureuse du pollen permet des reconstitutions
robustes de la végétation et du paléoclimat. L’environnement était forestier, dominé
alternativement par Glyptostrobus ou Castanopsis-Lithocarpus. Le diagramme
pollinique est directement corrélable avec la courbe de δ18O de référence (Cramer et al.,
2009). Les maxima thermiques sont exprimés par de forts pourcentages de plantes
subtropicales avec la présence parfois importante de plantes tropicales. L’élément de
mangrove, Avicennia (que nous avions signalé dans l’Eocène inférieur de l’île
sibérienne de Faddeevsky et du Delta de Mackenzie, Suan et al., 2017 ; Salpin et al.,
2019), signe chaque maximum thermique, du PETM au MECO, avec des valeurs de la
température moyenne annuelle élevées, comprises entre 18 et 22°C, des températures
du mois le plus chaud pouvant atteindre une moyenne de 27°C et du mois le plus froid
ne descendant pas au-dessous de 10°C. Les précipitations annuelles allaient de 1200 à
1400 mm. Cette étude révèle en outre l’impact qu’une longue période très chaude peut
avoir sur les plus hautes latitudes du globe et sur l’expansion de la végétation
thermophile.