Evolution néogène du relief de la Sierra de Gador (Bétiques, Espagne) : contraintes morphologiques et thermochronologiques
Abstract
Lors de la construction orogénique, les processus internes
entraînent une croissance de la topographie, tandis que les processus
de surface tendent à la détruire par érosion. Le système
tend alors vers un état dit d’équilibre, pour lequel l’érosion contrebalance
la surrection. La présence de formes transitoires de relief
(surfaces planes, knickpoints dans les rivières) est généralement
associée à des changements de conditions aux limites du système
orogénique.
La chaîne des Bétiques est un exemple d’orogène où se sont
succédés de multiples changements de conditions aux limites au
cours du Cénozoïque (collision éo-oligocène, effondrement postorogénique
oligo-miocène, inversion tortonienne) qui en font un
terrain-clé pour évaluer l’état d’équilibre des reliefs et leur évolution
spatiale et temporelle.
Dans cette étude, nous montrons que la topographie bétique
présente de larges surfaces aplanies au sommet de certains
chaînons comme celui de la Sierra de Gador, située dans les
zones internes des Bétiques. Afin de contraindre l’exhumation
de ce chaînon et son couplage avec les processus en surface, des
datations de thermochronologie basse température (U-Th)/He
et traces de fission sur apatites ont été réalisées sur les roches
du complexe métamorphique Alpujarride qui constitue le socle
émoussé de la Sierra de Gador. Les résultats montrent un âge de
refroidissement AHe d’environ 9 Ma et environ 16 Ma pour les
AFT. Ces âges ont été inversés dans un modèle thermique permettant
de reconstituer l’histoire du refroidissement de ces roches
au cours du Néogène. Après un refroidissement rapide associé à
l’exhumation d’un dôme extensif entre 20 et 16 Ma, le modèle
montre une période de fort ralentissement du refroidissement entre
16 et 7 Ma. Nous relions cette dernière phase à l’initiation
de l’aplanissement responsable des surfaces émoussées observées
aujourd’hui au sommet de la Sierra de Gador. Cette surface peut
s’assimiler à une pénéplaine formée à proximité du niveau de
base du Tortonien (dépôts marins datés à 7 Ma par Braga et al.,
2003). Les données thermochronologiques ne montrent pas de
recuit post 7 Ma indiquant une épaisseur déposée et érodée très
faible, et ce malgré une reprise en compression et un soulèvement
important (jusqu’à 1600 m) depuis cette période. Ce résultat
contraste avec les roches de l’unité métamorphique inférieure
(Névado-Filabride) affleurant au Nord en Sierra Nevada qui, elles,
continuent d’être exhumées pendant l’inversion tectonique. Ceci
est vraisemblablement à mettre en relation avec les variations
d’amplitude de plissement du socle et de soutien dynamique de la
topographie enregistrées par ces deux sierras depuis le Tortonien.